Notre ami Claude
Mon premier mois à St Jo
De bonne fois, mes parents n’avaient fait comprendre qu’à St Jo
j’allais apprendre le métier d’électromécanicien. De mon côté, je
leur avais proposé que cet apprentissage ce face à l’usine, au
village. Non, mon apprentissage était prévu à St Jo.
Ma première semaine dans cette école religieuse fut riche en
surprises. Trop de surprises. Trop de tout, par rapport à ma dernière
année d’école dans mon village avec l’apprentissage par la pratique
de la nature : je commençais d’apprendre des cours théoriques des
grandes cités. D’après les professeurs, tout était simple : il
suffisait d’appliquer les formules correspondantes aux cours. Et
quels cours ? Sports, histoire-géographie-français, mathématiques-
physique-chimie, les différents dessins : technique-construction-
fabrication. Mais également dessin d’art, éducation civique,
éducation religieuse, atelier de fabrication et je ne me souviens
plus des autres…..
Pour ce qui était des sports.
Au village, quand l’instituteur avait prévu que l’on joue avec un
ballon avec les pieds, on allait sur un terrain vague dont le sol
avait été damé par les employés de la commune. Se terrain se situait
à quelques centaines de mètres de l’école, vers des champs cultivés.
Les buts étaient symbolisés avec des vêtements poser au sol. Pour
jouer avec les mains, on tendait une sorte filet au milieu du terrain
L’instituteur jouait avec nous, on s’amusait bien. Si l’instituteur
est décédé, le terrain est toujours là …sauf qu’il n’est plus à l’orée
des champs, mais entouré d’habitations……
A St Jo, les activités sportives commençaient par un changement de
tenue dans des vestiaires. On ressortait dehors en survêtement. Le
professeur nous avait séparé en trois vagues : les petits, les moyens
et les grands. Et après nous être mis par vagues les uns derrière les
autres, je crois qu’il annonçait : « je ne veux voir qu’une seule
tête ». Après, on faisait deux fois le tour de la piste du stade en
petite foulée. Après le premier tour de piste, on repassait devant le
point de départ et ceux de la dernière vague, les plus grands,
commençaient à courir et avant la fin de notre deuxième tour de
piste, ceux de la troisième vague nous avaient rattrapé. Ils étaient
fatigués mais sans plus, nous, ceux de la première vague, ont étaient
exténués.
Par temps de pluie, on pratiquait les sports en salle. C’est là ou
j’ai appris que le professeur n’exceptait pas les chaussures souples
appelées basquettes ayant des semelles noires car elles laissaient
des traces sur le sol de la salle. Les miennes avaient des semelles
noires ! Le professeur m’avait demandé soit de ne pas faire de
glissade, ou alors de changer de basquettes. En échauffement
musculaire on avait droit à faire deux tours de salle en petite
foulée comme en extérieur. Puis, vu qu’on était plusieurs classes Ã
pratiquer du sport en même temps, chaque professeur se mettait dans
un coin de la salle. Les coups de gueules et de sifflets ne
manquaient pas.
Pour les matchs, j’ai eu de la chance qu’un élève qui faisait partie
de la première vague avec moi, avait compris que je n’y connaissais
rien aux ballons, il m’indiquait quand il fallait taper avec le pieds
ou avec les mains, mais des fois, même avec les mains, il fallait
taper le ballon au sol pour avancer avec, et moi je courrais de mes
petites jambes avec le ballon dans les mains : j’avais droit au coup
de sifflet de l’arbitre. Le plus folklorique pour moi était le ballon
ovale : il roulait déjà plus vite que moi et en plus, dans tous les
sens !
Les cours d’histoire et géographie me faisaient rêver et voyager tout
en restant assis en classe. C’est d’ailleurs lorsque le professeur
nous avait parlé de ne je sais plus quelle découverte historique que
m’était venu l’idée de commencer à faire des recherches sur les
modifications qu’avait subit mon village au cours du temps.
Pour ce qui était du Français, là , c’était ennuyeux car j’écrivais en
phonétique, mais vu les réactions du professeur, je n’étais pas le
seul à écrire de cette façon. On se comprenait, mais pour le
professeur, il fallait aussi que les autres nous comprennent, aussi
bien dans nos explications verbales quand dans l’écrit. J’avais donc,
moi aussi, du souci à me faire.
Les mathématiques, la physique et la chimie étaient pour moi un monde
impalpable.
Pour les cours de dessins techniques, pour moi c’était simple : des
traits, une surface, un volume, des cotes. Oh mais non ! Et les
tolérances, et la vue de droite posée à gauche de la vue de face sur
la feuille, la vue de gauche posée à droite, etc, le rappel des vues,
le cartouche, les différentes duretés des mines de crayon et les
différentes grosseurs de plumes à encre de chine et j’en passe…. !
Pour ce qui était du dessin artistique, je n’avais pas à me plaindre,
j’étais à mon aise. Plus tard, j’ai appris que c’était dans cette
matière que j’avais les meilleures notes. Il faut dire qu’au village,
mon père était un photographe amateur confirmé, dessinateur
industriel et artistique de haut niveau : il m’a transmis son savoir.
L’instruction civique avec ces normes du code du travail, peu y
comprenait quelque chose. Au village, j’entendais souvent mon père
râler car les normes du droit du travail changeaient souvent, et oui,
il avait des ouvriers avec lui à l’usine, il devait se mettre au
courant des changements de ces normes.
Quand à l’instruction religieuse, elle était dispensée par le frère
Jean. Déjà au village j’avais subis l’apprentissage de la religion
catholique par le catéchisme ! J’allais continuer à St Jo ? Non, ce
n’était pas la même chose. Cette instruction me paraissait un peu
plus humaine et les sujets n’étaient pas que religieux. Je me
souviens que le frère Jean nous avait fait tout un cours sur un
résistant appelé « chanoine Kir » la semaine suivant son décès. Il
avait aussi parlé du rôle des carrés blancs : ces repères que l’on
voyait en bas, à droite des petits écrans de télévision en noir et
blanc, etc. C’est à un de ces cours que j’ai appris qu’il y avait une
chapelle qui était ouverte tous les jours, même en dehors des offices
religieux. On pouvait y aller quand on voulait, en dehors des heures
de cours et des études.
Le deuxième jeudi arrivait et je devais absolument trouver une
occupation dans l’école pour m’éviter de faire deux heures de marche
à pieds à vitesse forcée comme ma première semaine. Et là , surprise,
le frère Jean demanda à ceux qui le voulaient, d’aller au secrétariat
ce jeudi après midi : des dames des bureaux avaient besoins de jeunes
pour trier et plier des courriers : j’étais sauvé. J’ai passé l’après
midi de mon second jeudi à plier des papiers et ensuite je ne sais
plus. Ces dames étaient les seuls éléments féminins de l’école, car
St Jo était une école de garçons. Le soir, les copains sont rentrés
fatigués de leur longue marche. Mais les jeudis suivants, vu qu’il
n’y avait plus de travail de secrétariat, j’ai été obligé de suivre
le mouvement des sorties en ville.
Je ne sais plus quand, ni comment, car mes souvenirs commencent Ã
s’éloigner, mais un jour je suis allé à la chapelle et je me souviens
d’avoir été surpris par plusieurs choses : la chapelle était très
grande, très haute, très lumineuse, calme et sereine. Cette chapelle
était magnifique. Ce dont je me souviens, c’est qu’un frère était
venu à ma rencontre, il m’avait accueilli avec des mots qui calment
l’angoisse de pénétrer dans un lieu inconnu et grandiose. Je me
souviens de m’être assis. Il y avait des livrets et des feuilles:
J’ai feuilleté un livret et lu une des feuilles. Des questions que je
me pausais, certaines réponses étaient là , sous mes yeux. J’ai
ressenti comme une sorte de bien être, un soulagement. Ce qui m’avait
également surpris c’est un étrange silence d’apaisement qui régnait
dans cette chapelle. Il y avait plusieurs centaines de jeunes dehors
qui s’activaient pendant la récréation, et là , tous les sons étaient
atténué. Bref, j’étais bien.
La fin de semaine arrivait. Je me suis souvenu de ne plus mettre
autant d’affaires dans ma petite valise. Le voyage à pieds de St Jo Ã
la gare Dijon Porte Neuve fut moins fatiguant que la première foi. Je
crois que c’est au 2 ème retour au village que ma mère m’avait
demandé des nouvelles de l’école. C’était simple : je n’y comprenais
pas grand-chose, si pas, rien. En tant qu’institutrice au village
elle me conseilla d’apprendre mes leçons car tous les 10 à 15 jours,
en tant normal, les professeurs font des interrogations, soit
verbales, soit écrites, je devais donc faire attention. Mais
apprendre quelque chose que l’on ne comprend pas, ce n’est pas
facile. Et quand je ne comprenais pas un cours je devais lever la
main pour annoncer tout fort au professeur « M’sieur, je n’comprend
pas ». Mais la réponse était toujours à peu près identique à ceci : «
Avril, apprenez vos leçons » !
Des interro ? Pas à St Jo ! Et bien si, elle ne s’était pas trompée.
Les professeurs s’étaient donnés le mot pour nous faire des « interro ».
Dans les ateliers, de ma joie transformée en grande déception,
j’avais enfin fini de limer ma pièce rectangulaire. La pièce suivante
était un montage : enfin les travaux pratiques commençaient à être
intéressants.
Je ne sais plus le pourquoi du comment, mais un jour, le professeur
d’histoire, géographie et français : Maurice Courtois avait compris
que si, pour beaucoup d’entre nous, la mécanique nous était
familière, nous avions de grandes difficultés intellectuelles. Il
nous avait donc proposé qu’au lieu d’essayer absolument de comprendre
quelque chose que l’on ne comprenait pas, il fallait déjà lire le
document comme on lit un livre, et le lire plusieurs fois : la
compréhension viendrait après.
L’arrivée des premiers froids
Comme on le sait, après le 15 septembre, l’humidité fait son
apparition avec son cortège de différentes pluies et c’est aussi
l’arrivée des premiers froids. Au village, les vieux avaient expliqué
aux écoliers comment prévoir la météo avec le sens du vent, le
calendrier lunaire, etc. Quand je faisais une erreur d’habillement le
matin, je me changeais l’après midi et tout allait bien.
Mais voila, Ã St Jo quand il y avait du vent, il tournait dans la
grande cour en forme de U, ou alors il n’y en avait pas et je n’avais
pas d’orientation par rapport au Nord comme les vieux du village me
l’avaient appris. Pour ce qui est des différents quartiers de la
lune, c’était impossible à voir car il fallait une certaine ligne
d’horizon et à St Jo les bâtiments sont trop hauts, donc mon
apprentissage de la météo à la campagne ne me servit à rien en ville.
Alors quand j’étais trempé par la pluie le matin, je devais attendre
le soir, au dortoir pour me changer. Et si j’avais froid, je devais
attendre la semaine suivante pour rapporter des vêtements plus chauds.
Mes souvenirs sont flous, mais c’est tout au début d’année que nous
sommes allé en salle de technologie pour nous faire photographier, un
par un. Quand à la photographie de groupe, je ne sais plus.
A cette époque, à chaque fin de mois, tous les élèves se retrouvaient
par classe et par niveaux d’étude dans la salle des fêtes pour faire
le bilan mensuel. Cette salle des fêtes était une bâtisse en bois,
construite dans le fond de la cour de récréation principale. A
l’intérieur, je me souviens vaguement qu’il y avait des chaises en
fer installées sur un plancher en pente et devant : une scène. Entre
nous, nous nous étions mis d’accord pour que le premier de la classe
garde la tête baissée et le dernier, la tête bien haute. On l’avait
fait !
Forcément, j’ai ramené ces premiers résultats à mes parents pour leur
prouver que je ne comprenais rien aux cours. Les appréciations des
professeurs étaient bonnes mais pour ce qui était des notes !
Au village, on était noté sur 10. Alors avoir un 6 ou 7 sur 10,
c’était bien, mais à St Jo, on était noté sur 20. Avoir la même note
sur 20 ! Un désastre. La solution était simple : d’après ma mère,
c’était de ma faute, je n’apprenais pas mes leçons. Mon père c’était
penché sur mes cours techniques. Il avait avoué, sans trop préciser,
que le niveau des études était élevé mais que c’était faisable. Pour
le reste, ce n’était qu’une histoire de compréhension. Je devais
commencer à comprendre les énoncés.
Les nouvelles vont vite dans un village. Sachant que je faisais des
photographies depuis mes 14, 15 ans et que j’y arrivais bien, le
photographe professionnel local me prêta des documents sur la chimie,
car la photo argentique était basée sur la chimie. Puis il me prêta
des documents sur les lois de l’optique. Les documents ressemblaient
un peu aux cours du professeur à St Jo, mais pour moi, les documents
du photographe étaient plus simples que les cours du professeur.
Alors je me suis servis des deux systèmes : celui du professeur et
celui du photographe local. Les chemins étaient différents, mais le
résultat final était le même. C’est là que je me suis aperçu que les
trois études : mathématiques-physique-chimie étaient reliées entre
elles par l’appellation : les sciences. Le photographe local m’avait
alors donné un conseil très simple : quand tu ne comprends pas par la
théorie, passe à la pratique, si tu y arrives, la compréhension de la
théorie viendra toute seule. C’est ainsi que certaines de mes notes
très basses ont commencé à remonter.
De bonne fois, mes parents n’avaient fait comprendre qu’à St Jo
j’allais apprendre le métier d’électromécanicien. De mon côté, je
leur avais proposé que cet apprentissage ce face à l’usine, au
village. Non, mon apprentissage était prévu à St Jo.
Ma première semaine dans cette école religieuse fut riche en
surprises. Trop de surprises. Trop de tout, par rapport à ma dernière
année d’école dans mon village avec l’apprentissage par la pratique
de la nature : je commençais d’apprendre des cours théoriques des
grandes cités. D’après les professeurs, tout était simple : il
suffisait d’appliquer les formules correspondantes aux cours. Et
quels cours ? Sports, histoire-géographie-français, mathématiques-
physique-chimie, les différents dessins : technique-construction-
fabrication. Mais également dessin d’art, éducation civique,
éducation religieuse, atelier de fabrication et je ne me souviens
plus des autres…..
Pour ce qui était des sports.
Au village, quand l’instituteur avait prévu que l’on joue avec un
ballon avec les pieds, on allait sur un terrain vague dont le sol
avait été damé par les employés de la commune. Se terrain se situait
à quelques centaines de mètres de l’école, vers des champs cultivés.
Les buts étaient symbolisés avec des vêtements poser au sol. Pour
jouer avec les mains, on tendait une sorte filet au milieu du terrain
L’instituteur jouait avec nous, on s’amusait bien. Si l’instituteur
est décédé, le terrain est toujours là …sauf qu’il n’est plus à l’orée
des champs, mais entouré d’habitations……
A St Jo, les activités sportives commençaient par un changement de
tenue dans des vestiaires. On ressortait dehors en survêtement. Le
professeur nous avait séparé en trois vagues : les petits, les moyens
et les grands. Et après nous être mis par vagues les uns derrière les
autres, je crois qu’il annonçait : « je ne veux voir qu’une seule
tête ». Après, on faisait deux fois le tour de la piste du stade en
petite foulée. Après le premier tour de piste, on repassait devant le
point de départ et ceux de la dernière vague, les plus grands,
commençaient à courir et avant la fin de notre deuxième tour de
piste, ceux de la troisième vague nous avaient rattrapé. Ils étaient
fatigués mais sans plus, nous, ceux de la première vague, ont étaient
exténués.
Par temps de pluie, on pratiquait les sports en salle. C’est là ou
j’ai appris que le professeur n’exceptait pas les chaussures souples
appelées basquettes ayant des semelles noires car elles laissaient
des traces sur le sol de la salle. Les miennes avaient des semelles
noires ! Le professeur m’avait demandé soit de ne pas faire de
glissade, ou alors de changer de basquettes. En échauffement
musculaire on avait droit à faire deux tours de salle en petite
foulée comme en extérieur. Puis, vu qu’on était plusieurs classes Ã
pratiquer du sport en même temps, chaque professeur se mettait dans
un coin de la salle. Les coups de gueules et de sifflets ne
manquaient pas.
Pour les matchs, j’ai eu de la chance qu’un élève qui faisait partie
de la première vague avec moi, avait compris que je n’y connaissais
rien aux ballons, il m’indiquait quand il fallait taper avec le pieds
ou avec les mains, mais des fois, même avec les mains, il fallait
taper le ballon au sol pour avancer avec, et moi je courrais de mes
petites jambes avec le ballon dans les mains : j’avais droit au coup
de sifflet de l’arbitre. Le plus folklorique pour moi était le ballon
ovale : il roulait déjà plus vite que moi et en plus, dans tous les
sens !
Les cours d’histoire et géographie me faisaient rêver et voyager tout
en restant assis en classe. C’est d’ailleurs lorsque le professeur
nous avait parlé de ne je sais plus quelle découverte historique que
m’était venu l’idée de commencer à faire des recherches sur les
modifications qu’avait subit mon village au cours du temps.
Pour ce qui était du Français, là , c’était ennuyeux car j’écrivais en
phonétique, mais vu les réactions du professeur, je n’étais pas le
seul à écrire de cette façon. On se comprenait, mais pour le
professeur, il fallait aussi que les autres nous comprennent, aussi
bien dans nos explications verbales quand dans l’écrit. J’avais donc,
moi aussi, du souci à me faire.
Les mathématiques, la physique et la chimie étaient pour moi un monde
impalpable.
Pour les cours de dessins techniques, pour moi c’était simple : des
traits, une surface, un volume, des cotes. Oh mais non ! Et les
tolérances, et la vue de droite posée à gauche de la vue de face sur
la feuille, la vue de gauche posée à droite, etc, le rappel des vues,
le cartouche, les différentes duretés des mines de crayon et les
différentes grosseurs de plumes à encre de chine et j’en passe…. !
Pour ce qui était du dessin artistique, je n’avais pas à me plaindre,
j’étais à mon aise. Plus tard, j’ai appris que c’était dans cette
matière que j’avais les meilleures notes. Il faut dire qu’au village,
mon père était un photographe amateur confirmé, dessinateur
industriel et artistique de haut niveau : il m’a transmis son savoir.
L’instruction civique avec ces normes du code du travail, peu y
comprenait quelque chose. Au village, j’entendais souvent mon père
râler car les normes du droit du travail changeaient souvent, et oui,
il avait des ouvriers avec lui à l’usine, il devait se mettre au
courant des changements de ces normes.
Quand à l’instruction religieuse, elle était dispensée par le frère
Jean. Déjà au village j’avais subis l’apprentissage de la religion
catholique par le catéchisme ! J’allais continuer à St Jo ? Non, ce
n’était pas la même chose. Cette instruction me paraissait un peu
plus humaine et les sujets n’étaient pas que religieux. Je me
souviens que le frère Jean nous avait fait tout un cours sur un
résistant appelé « chanoine Kir » la semaine suivant son décès. Il
avait aussi parlé du rôle des carrés blancs : ces repères que l’on
voyait en bas, à droite des petits écrans de télévision en noir et
blanc, etc. C’est à un de ces cours que j’ai appris qu’il y avait une
chapelle qui était ouverte tous les jours, même en dehors des offices
religieux. On pouvait y aller quand on voulait, en dehors des heures
de cours et des études.
Le deuxième jeudi arrivait et je devais absolument trouver une
occupation dans l’école pour m’éviter de faire deux heures de marche
à pieds à vitesse forcée comme ma première semaine. Et là , surprise,
le frère Jean demanda à ceux qui le voulaient, d’aller au secrétariat
ce jeudi après midi : des dames des bureaux avaient besoins de jeunes
pour trier et plier des courriers : j’étais sauvé. J’ai passé l’après
midi de mon second jeudi à plier des papiers et ensuite je ne sais
plus. Ces dames étaient les seuls éléments féminins de l’école, car
St Jo était une école de garçons. Le soir, les copains sont rentrés
fatigués de leur longue marche. Mais les jeudis suivants, vu qu’il
n’y avait plus de travail de secrétariat, j’ai été obligé de suivre
le mouvement des sorties en ville.
Je ne sais plus quand, ni comment, car mes souvenirs commencent Ã
s’éloigner, mais un jour je suis allé à la chapelle et je me souviens
d’avoir été surpris par plusieurs choses : la chapelle était très
grande, très haute, très lumineuse, calme et sereine. Cette chapelle
était magnifique. Ce dont je me souviens, c’est qu’un frère était
venu à ma rencontre, il m’avait accueilli avec des mots qui calment
l’angoisse de pénétrer dans un lieu inconnu et grandiose. Je me
souviens de m’être assis. Il y avait des livrets et des feuilles:
J’ai feuilleté un livret et lu une des feuilles. Des questions que je
me pausais, certaines réponses étaient là , sous mes yeux. J’ai
ressenti comme une sorte de bien être, un soulagement. Ce qui m’avait
également surpris c’est un étrange silence d’apaisement qui régnait
dans cette chapelle. Il y avait plusieurs centaines de jeunes dehors
qui s’activaient pendant la récréation, et là , tous les sons étaient
atténué. Bref, j’étais bien.
La fin de semaine arrivait. Je me suis souvenu de ne plus mettre
autant d’affaires dans ma petite valise. Le voyage à pieds de St Jo Ã
la gare Dijon Porte Neuve fut moins fatiguant que la première foi. Je
crois que c’est au 2 ème retour au village que ma mère m’avait
demandé des nouvelles de l’école. C’était simple : je n’y comprenais
pas grand-chose, si pas, rien. En tant qu’institutrice au village
elle me conseilla d’apprendre mes leçons car tous les 10 à 15 jours,
en tant normal, les professeurs font des interrogations, soit
verbales, soit écrites, je devais donc faire attention. Mais
apprendre quelque chose que l’on ne comprend pas, ce n’est pas
facile. Et quand je ne comprenais pas un cours je devais lever la
main pour annoncer tout fort au professeur « M’sieur, je n’comprend
pas ». Mais la réponse était toujours à peu près identique à ceci : «
Avril, apprenez vos leçons » !
Des interro ? Pas à St Jo ! Et bien si, elle ne s’était pas trompée.
Les professeurs s’étaient donnés le mot pour nous faire des « interro ».
Dans les ateliers, de ma joie transformée en grande déception,
j’avais enfin fini de limer ma pièce rectangulaire. La pièce suivante
était un montage : enfin les travaux pratiques commençaient à être
intéressants.
Je ne sais plus le pourquoi du comment, mais un jour, le professeur
d’histoire, géographie et français : Maurice Courtois avait compris
que si, pour beaucoup d’entre nous, la mécanique nous était
familière, nous avions de grandes difficultés intellectuelles. Il
nous avait donc proposé qu’au lieu d’essayer absolument de comprendre
quelque chose que l’on ne comprenait pas, il fallait déjà lire le
document comme on lit un livre, et le lire plusieurs fois : la
compréhension viendrait après.
L’arrivée des premiers froids
Comme on le sait, après le 15 septembre, l’humidité fait son
apparition avec son cortège de différentes pluies et c’est aussi
l’arrivée des premiers froids. Au village, les vieux avaient expliqué
aux écoliers comment prévoir la météo avec le sens du vent, le
calendrier lunaire, etc. Quand je faisais une erreur d’habillement le
matin, je me changeais l’après midi et tout allait bien.
Mais voila, Ã St Jo quand il y avait du vent, il tournait dans la
grande cour en forme de U, ou alors il n’y en avait pas et je n’avais
pas d’orientation par rapport au Nord comme les vieux du village me
l’avaient appris. Pour ce qui est des différents quartiers de la
lune, c’était impossible à voir car il fallait une certaine ligne
d’horizon et à St Jo les bâtiments sont trop hauts, donc mon
apprentissage de la météo à la campagne ne me servit à rien en ville.
Alors quand j’étais trempé par la pluie le matin, je devais attendre
le soir, au dortoir pour me changer. Et si j’avais froid, je devais
attendre la semaine suivante pour rapporter des vêtements plus chauds.
Mes souvenirs sont flous, mais c’est tout au début d’année que nous
sommes allé en salle de technologie pour nous faire photographier, un
par un. Quand à la photographie de groupe, je ne sais plus.
A cette époque, à chaque fin de mois, tous les élèves se retrouvaient
par classe et par niveaux d’étude dans la salle des fêtes pour faire
le bilan mensuel. Cette salle des fêtes était une bâtisse en bois,
construite dans le fond de la cour de récréation principale. A
l’intérieur, je me souviens vaguement qu’il y avait des chaises en
fer installées sur un plancher en pente et devant : une scène. Entre
nous, nous nous étions mis d’accord pour que le premier de la classe
garde la tête baissée et le dernier, la tête bien haute. On l’avait
fait !
Forcément, j’ai ramené ces premiers résultats à mes parents pour leur
prouver que je ne comprenais rien aux cours. Les appréciations des
professeurs étaient bonnes mais pour ce qui était des notes !
Au village, on était noté sur 10. Alors avoir un 6 ou 7 sur 10,
c’était bien, mais à St Jo, on était noté sur 20. Avoir la même note
sur 20 ! Un désastre. La solution était simple : d’après ma mère,
c’était de ma faute, je n’apprenais pas mes leçons. Mon père c’était
penché sur mes cours techniques. Il avait avoué, sans trop préciser,
que le niveau des études était élevé mais que c’était faisable. Pour
le reste, ce n’était qu’une histoire de compréhension. Je devais
commencer à comprendre les énoncés.
Les nouvelles vont vite dans un village. Sachant que je faisais des
photographies depuis mes 14, 15 ans et que j’y arrivais bien, le
photographe professionnel local me prêta des documents sur la chimie,
car la photo argentique était basée sur la chimie. Puis il me prêta
des documents sur les lois de l’optique. Les documents ressemblaient
un peu aux cours du professeur à St Jo, mais pour moi, les documents
du photographe étaient plus simples que les cours du professeur.
Alors je me suis servis des deux systèmes : celui du professeur et
celui du photographe local. Les chemins étaient différents, mais le
résultat final était le même. C’est là que je me suis aperçu que les
trois études : mathématiques-physique-chimie étaient reliées entre
elles par l’appellation : les sciences. Le photographe local m’avait
alors donné un conseil très simple : quand tu ne comprends pas par la
théorie, passe à la pratique, si tu y arrives, la compréhension de la
théorie viendra toute seule. C’est ainsi que certaines de mes notes
très basses ont commencé à remonter.